Welcome to home ► Leah

don't worry, we're at home

La route était longue. Presque sans fin. Ils avaient pris une voiture mais ils avaient été contraints à l'abandonner, faute d’essence. Le reste du chemin devait donc s’effectuer à pieds. Raphaël avait l’habitude de marcher sur de longues distances mais il n’était pas certain que ça soit le cas de Leah. Il essayait donc d’instaurer un rythme aussi rapide que possible, conscient qu’ils avaient peut-être les traqueurs à leurs trousses. Il masquait au mieux son inquiétude. Tant qu’ils ne seraient pas dans la grotte, il serait sur ses gardes. Encore plus ici, en plein désert, sans aucun endroit où se cacher. Il suffisait d’un traqueur dans un hélicoptère pour qu’ils soient repérés. Quand il se tournait vers Leah, il en profitait pour surveiller les alentours. En se permettant d’emmener une hybride à la grotte, il savait qu’il s’attirerait la haine de certains des résistants. Avant de rencontrer Leah, Raphaël aussi détestait les âmes. S’il n’y avait pas eu ce lien particulier, cette attirance qu’il ne s’expliquait pas, il n’aurait jamais pris le risque de lui montrer la grotte. Alors mieux valait s’assurer qu’il n’emmenait pas, en plus, avec lui des traqueurs. Il lui tardait de retrouver la grotte. C’était le seul endroit où il se sentait en sécurité. Elle était devenue sa maison. Une maison qu’il espérait temporaire, cela dit. Il gardait toujours un vain espoir que l’on puisse éradiquer les âmes de la surface de la planète, même si cela pouvait mettre en danger Leah.

Il ne se posait pas encore trop de questions sur les conséquences. Il n’avait aucune idée de ce qu’il pourrait se passer pour elle et il remettait toutes ces interrogations à un autre jour, lorsqu’ils auraient trouvé la solution. Pour l’instant, ils en étaient loin, ils se contentaient de vivre cachés. Doucement, ils approchaient du lac salé. Avant d’y parvenir, il faudrait encore marcher des dizaines de mètres. D’ici, il devinait les montagnes de roches grises et savait que c’était dans cette direction qu’il fallait continuer. Tout avait beau se ressembler, Raphaël reconnaissait chaque détail. Il était passé à cet endroit des centaines de fois avec d’autres résistants, en priant que personne ne les repère. Il avait appris à se repérer dans cette zone désertique et franchement, il en était plutôt fier. Si pour lui, ce chemin était familier, Leah n’y voyait sûrement qu’une mer de désert. Une mer sans fin qui allait les noyer sous sa chaleur. Raphaël aurait dû vérifier le niveau d’essence de la voiture qu’ils avaient volé. S’il s’était rendu compte sur le coup qu’ils n’en auraient pas assez, il aurait choisi un autre véhicule. Il n’aurait pas eu à infliger cette marche en plein soleil à Leah, ou en tout cas, elle aurait été moins longue. En plissant les yeux, il reconnut l’étendue d’eau salée ainsi que la cabane qui la bordait, ce qui signifiait que la grotte n’était plus loin. Un sourire se dessina sur son visage. Enfin il rentrait au bercail. Il était soulagé d’être arrivé aussi près sans encombre. Finalement, s’inquiéter n’était pas toujours utile.

Raphaël se retourna pour attraper la main de Leah. Il la força à s’arrêter, juste le temps de pointer du doigt un endroit à l’horizon. « On y est presque. Encore cinq minutes de marche et on y sera. » Il se sentait comme un gamin le jour de Noël. Il avait hâte de découvrir ce qui avait changé pendant son séjour. Si de nouveaux arrivants s’étaient installés, quelles étaient les nouvelles de l’extérieur, si des résistants étaient morts. Et, accessoirement, si on avait gardé sa chambre intacte. Il reprit la marche, gardant la main de l’hybride dans la sienne. Cette nouvelle était une excuse pour avoir un contact avec elle. Il savait que les sentiments qu’il éprouvait n’étaient pas anodins, ils voulaient dire quelque chose, ils trouveraient leur sens très bientôt mais avant cela, Raphaël devait s’assurer qu’ils étaient vrais et surtout, qu’ils étaient partagés. Gâcher une amitié comme la leur parce qu’il appréciait Leah d’une toute autre manière qu’elle serait la dernière des bêtises. Il n’avait aucune idée de comment cela se passait pour une âme, si elle pouvait ressentir des émotions semblables aux humains, si elles pouvaient s’attacher et seulement s’imaginer vivre en couple avec un humain. Les cinq minutes devinrent dix, puis quinze. Raphaël avait sous-estimé le temps qu’il leur faudrait pour atteindre le lac. Ils étaient fatigués à cause de la distance parcourue à pieds et ralentissaient au fur et à mesure, sans s’en rendre compte. Mais, ils y arrivèrent.

Il lâcha enfin la main de Leah et fit le tour du lac, se réappropriant un endroit qui était devenu le sien. Rien n’avait changé ici. La cabane était toujours dans le même état, le niveau de l’eau était toujours le même. Comme si la vie avait été mise sur pause pendant son absence. Au moins n’aurait-il pas de mal à reprendre le cours de sa vie. « Ne bois pas l’eau, elle est trop salée pour être bue. » lui conseilla Raphaël. Nombreux avaient été ceux qui s’étaient penchés ici pour boire une gorgée et qui avaient tout recraché en découvrant que l’eau était dégueulasse. Si on tenait à sa santé, il valait mieux ne pas en boire. Il pivota en direction de l’entrée cachée de la grotte. Il devinait déjà que leur présence avait été repérée. Le comité d'accueil ne tarderait pas à arriver. C’était une question d’une demi-heure. La joie de Raphaël se dissipa. Il retourna auprès de son amie. « Certains ne vont pas être favorables à ta venue. Il faudra se faire discret, toi comme moi. Mais ne t’inquiètes pas, tout va bien se passer. » Il y veillerait. Il connaissait chacun des résistants qui vivaient dans cette grotte. Il ferait jouer ses relations pour que Leah soit bien intégrée. Il s’assurerait qu’aucun mal ne lui soit fait. Cependant, ses actions seront limités. Il avait conscience que lui aussi ne serait pas bien vu. Il ramenait le pire parasite qu’il pouvait trouver.

Il n’était pas certain d’être accueilli les bras ouverts malgré sa longue absence. Ils devaient sûrement le croire mort à l’heure qu’il était. Le soulagement de la revoir ne serait pas suffisant pour apaiser leur colère. Tous avaient quelque chose à reprocher aux âmes. Leah allait être leur bouc-émissaire. En la faisant venir, il leur offrait un pushing-ball parfait pour se venger des souffrances subies. Cela dit, Raphaël ne les laisserait pas faire. Il ne quitterait pas des yeux l’hybride pour être certain qu’elle ne risquait rien. Il lui avait promis de l’emmener ici et il s’était fait la promesse de veiller sur elle. Ce ne serait pas facile mais ils parviendraient à s'intégrer.

Dans quelle histoire s'était elle embarquée ? Une fois de plus, Fleur-de-Lumière se posait la question, alors que ses pas la portait vers une destination inconnue. Elle regardait autour d'elle et ne voyait qu'un paysage sans fin, des montagnes, une étendue désertique pour y arriver et le soleil, un soleil de plomb qui l’assommait presque. Cet endroit était hostile, elle était mal à l'aise ici, ce n'était pas sécurisé, pas confortable. Et pourtant elle avait accepté de se retrouver dans cette situation. A l'instant où elle se maudissait d'avoir dit oui elle entendit une voix résonner dans son esprit : « Arrête de te plaindre et de faire ta chochotte, tu verras, nous avons fait le bon choix. Nous n'allions pas laisser Raphaël s'envoler n'est-ce pas ? ». Leah. Celle à qui elle avait volé son corps, car oui c'est ainsi qu'elle le vivait. Dans ce corps elle n'était pas à sa place et son hôte le lui faisait bien comprendre. Pourtant elle aimait cette nouvelle vie, elle vivait, plus qu'elle ne l'avait jamais fait. Elle poussa un soupir et acquiesça intérieurement, posant ses yeux sur le jeune homme qui la précédait. Elle ne voyait que son dos, mais son visage était gravé dans son esprit. Ses traits doux, emprunts d'une douleur qu'elle ne pouvait saisir. Ses yeux si particuliers, emplis d'une émotion intense. Chaque fois qu'elle croisait son regard, elle perdait tous ses moyens. Il la déstabilisait. On pouvait lire beaucoup trop de sentiments dans ses prunelles, elle n'avait pas l'habitude... C'est comme ça que Leah s'était un peu plus encore, réapproprié son corps. Elle avait distillé un poison dans son esprit. L'amour. Dès lors, l'âme n'avait pu lutter bien longtemps. Oui elle devait suivre ce jeune homme qui vivait parmi les rebelles. Elle ne pouvait pas les séparer, elle n'en avait pas le droit. La contrepartie, c'est qu'elle marchait maintenant depuis des heures et des heures. Elle n'en avait pas l'habitude, elle avait chaud, mal aux pieds et envie de râler. Pourtant elle ne le faisait pas. Fleur-de-Lumière était ainsi... La gentillesse incarnée. Elle suivait donc sans se plaindre, ravalant ses critiques acerbes. Si seulement ils avaient pu garder la voiture...

Pourtant, elle ne ressentait pas simplement de la lassitude et de la fatigue. L'excitation la tiraillait aussi. La curiosité. Elle se développait en elle telle une fleur qui pousse et s'étend, se développe et envahit un espace entier. Une grotte pleine de résistants. Voilà ce qu'elle allait découvrir... Ces humains, si courageux, qui les fuyaient, elle et les siens, qui luttaient, résistaient. Peut être étaient-ils un peu fous... Mais elle les comprenait, ils voulaient être libres, vivre libres, qui n'aurait pas ce désir avec un corps qui offrait tant de possibilités ? Seulement ils pouvaient aussi être violents, céder à leurs sentiments. Là encore elle comprenait, totalement. Ce sont les émotions qui avaient eu raison d'elle. Qui l'avaient rendu si faible face à Leah. Qui l'avait poussée à s'attacher à elle et à l'écouter. Malheureusement, elle se doutait que les autres humains, ceux qu'elle allait rencontrer, ne seraient pas tous aussi compréhensifs que Leah ou Raphaël. Elle, ne leur voulait aucun mal mais eux comment allaient ils l'accepter, ça c'était autre chose... Elle en avait discuté avec le jeune homme et il avait été sincère, ce ne serait pas simple. Cela l'avait presque poussée à refuser, puis le reste avait pris le dessus. Sa compagnie à lui, une aventure à vivre, des gens à découvrir... Oui, sa curiosité avait joué un rôle essentiel dans son départ. Elle accéléra le pas à cette pensée et arriva à la hauteur de Raphaël à qui elle adressa un léger sourire. Le risque en valait la peine.

Sa main. En un instant, il avait glissé sa main dans la sienne et dans sa poitrine son cœur explosa en battement désordonnés. Fleur-de-Lumière ne comprenait pas comment elle pouvait réagir ainsi à chaque contact avec lui, c'était étonnant et fascinant. Agréable même. Elle ressera un peu ses doigts autour des siens, Leah appréciait, c'est exactement ce qu'elle désirait même si elle regrettait de ne pas avoir le contrôle en cet instant. Sa peau était chaude, à la fois douce et rugueuse, elle se délectait de pouvoir l'analyser, de pouvoir la sentir et c'est à peine si elle parvenait à se concentrer sur sa voix : « On y est presque. Encore cinq minutes de marche et on y sera. ». Ravie de la nouvelle, elle hocha la tête. L'heure était presque arrivée. Elle allait les rencontrer. Découvrir ce lieu dont Raphaël lui avait tant parlé. A chaque pas, l'adrénaline montait un peu plus encore. Une sensation grisante. Jamais elle n'avait ressentit cela en étant dauphin ou fleur. C'était tellement mieux ainsi. Un sourire de plus en plus grand baignant son visage de bonheur, elle avançait, serrant sa main contre celui qui représentait tout pour elle à présent. Il était à la fois son ami, sa famille et... Bien plus. Un jour elle lui dirait à quel point il comptait. Un jour elle lui dirait à quel point ses sentiments pour lui étaient forts. Ou du moins ceux de Leah. Oui ceux de Leah. Elle se sentit coupable à cette pensée et la voix ne tarda pas à résonner dans son esprit, plus agressive que tout à l'heure : « Je te préviens il n'est pas pour toi. C'est moi qui ressent quelque chose pour lui, tu ne fais que m'emprunter mes émotions et mes mouvements. Mais tu le sais, je vais reprendre le contrôle. ». Elle déglutit et secoua un peu la tête pour ne plus penser à cela. Ça l'effrayait. Si Leah reprenait le contrôle, que deviendrait-elle ?

Elle n'eut pas le temps d'y songer plus longuement ils y étaient. Un sublime lac s'étendaient face à eux, reflétant les rayons du soleil. Raphaël aussi était baigné de lumière, il faisait le tour du lac, heureux, comme un enfant. Elle, restait sur place sans oser bouger, et l'observait. « Ne bois pas l'eau, elle est trop salée pour être bue. » Maintenant qu'il en parlait, la soif asséchait sa gorge, elle n'avait pas bu depuis de longues heures et en y pensant, elle ne rêvait que de cela, se désaltérer. Fleur-de-Lumière grimaça et se força à penser à autre chose, elle ne pouvait pas satisfaire sa soif ici. A nouveau, le jeune homme prit la parole : « Certains ne vont pas être favorables à ta venue. Il faudra se faire discret, toi comme moi. Mais ne t'inquiète pas tout va bien se passer. »Pourtant elle le sentait plus tendu que tout à l'heure, et l'inquiétude la gagnait elle aussi en cet instant. Si ils la chassait ? C'est cet instant que choisi Leah pour prendre le contrôle et cracher quelques mots à Raphaël : « Ne t'en fais pas, on a déjà parlé de tout ça. Ça va bien se passer ! Et je te fais confiance. [/color] » Ces paroles lui étaient aussi destinés à elle, Fleur-de-Lumière et elle se sentit un peu plus confiante. Elle se permit d'ajouter : « On s'en sortira. Équipe de choc non? » Elle sourit et se détourna pour regarder autour d'elle, scrutant chaque détail du paysage et le gravant en elle, jamais elle n'avait rien vu de si beau. Dans un murmure elle déclara : « C'est magnifique ici. »

don't worry, we're at home

Il y avait une certaine satisfaction à se dire que nous y étions. Nous avions réussi à rejoindre la grotte du lac salé sans se faire repérer par des traqueurs. Après des heures de voiture et de marche, nous avions enfin atteint notre objectif. Nous y étions, bon sang ! J’attendais ce moment depuis des semaines. J’avais rêvé de retourner auprès du lac, de marcher dans les couloirs de la grotte. La seule chose qui ne m’avait pas manqué était le lit de camp de ma chambre. Celui auquel j’avais droit chez Leah était deux fois plus confortable mais bon, si on se mettait à débarquer avec des camions Ikea en plein milieu du désert, nous attirerions l’attention à coup sûr. De toute manière, j’étais bien heureux d’avoir un lit, quoique j’en dise, même un lit de camp. Après deux mois d’absence, j’allais enfin pouvoir retrouver mes marques. Cependant, j’étais inquiet sur les conséquences de mon retour accompagné d’une hybride. Si j’avais fait le chemin seul et que je m’étais présenté à la grotte, je n’aurais eu aucun souci à me faire. Néanmoins, la situation était toute autre et pour parvenir à nous faire accepter nous allions devoir marcher sur des œufs pendant de nombreux jours. Combien, je n’en avais pas la moindre d’idée mais longtemps. Très longtemps. Les gens pouvaient parfois se montrer très peu ouverts et je craignais que cela soit le cas avec les résistants de la grotte. Cela dit, je comptais sur mes amis pour défendre ma décision. Ils ne pourraient que comprendre lorsqu’ils sauraient ce qui avait motivé ma décision.

« Ne t'en fais pas, on a déjà parlé de tout ça. Ça va bien se passer ! Et je te fais confiance. » Si seulement elle ne venait pas de dire ça. Elle pouvait me faire confiance mais ça ne la protégerait pas des représailles des résistants. Je ne pourrai pas toujours être là même si je ferai mon possible. Je lui rendis son sourire, tentant de faire bonne figure. Je lui avais fait une promesse, je ne pouvais pas me défiler maintenant. C’était trop tard. Et franchement, je comptais bien assumer. Je me démènerai pour la protéger et la faire accepter par toute la grotte. En plus, Leah me faisait confiance. Je ne pouvais pas la décevoir. J’avais déjà déçu mes parents en ne tenant pas ma promesse concernant mon frère, je ne recommencerai pas. Et s’il arrivait quelque chose à Leah, je ne me le pardonnerai pas. Elle me faisait confiance pour prendre soin d’elle et pour l’aider à s’intégrer. Ce qui n’était franchement pas rassurant. Je n’étais pas sûr d’être à la hauteur. « On s'en sortira. Équipe de choc non ? » Une équipe de choc qui risquait de se faire défoncer en quelques minutes. Je n’avais pas le droit de lui montrer mon pessimisme alors je gardai mon sourire. Que tout se passe bien ne tenait qu’à nous, après tout. Nous pouvions y arriver avec beaucoup de patience et de motivation. « Oui, équipe de choc. » Ma mère disait qu’à deux, tout devenait possible. Il n’y avait pas raison pour que ça ne soit pas le cas. Allez, mon petit Raphy, tout se passerait bien !

Je relevai les yeux vers Leah. Elle observait les lieux. Je me demandais à quoi elle pouvait bien penser, les questions qu’elle pouvait se poser. L’univers dans lequel elle allait entrer serait différent de tout ce qu’elle avait imaginé jusqu’alors. J’étais certain qu’elle n’avait jamais pensé vivre dans une grotte, ni l’âme, ni la femme en elle. « C'est magnifique ici. » Je me fis la promesse d’emmener Leah venir nager dès le lendemain. J’avais adoré plonger dans l’eau du lac la première fois. Il s’agissait d’une expérience incroyable, entouré d’un paysage désertique. On n’avait pas souvent la possibilité de le faire. En fait, une expérience pareille n’existait nulle part ailleurs C’était un moment magique à passer ici et j’avais envie de le faire partager à Leah. Au moins, elle oublierait temporairement l’ambiance de la grotte. Je voulais lui montrer qu’elle n’avait pas fait d’erreur. Son choix était le bon. Je ne souhaitais pas la voir déçue de ce qu’elle découvrirait. Pour le moment, elle ne semblait pas l’être. Les choses devaient continuer ainsi. « On a une chance incroyable d’être là. » J’esquissai un sourire. On aurait pu tomber sur une grotte terne et glaciale, entourée d’une forêt. Au lieu de ça, nous avions une des grottes les plus belles d’Amérique. Une grotte que l’on n’aurait peut-être pas découverte dans d’autres circonstances. Je jetai un regard vers l’entrée en remarquant du mouvement. Un groupe de cinq résistants arriva. Des visages que je reconnaissais. Je ne parlais pas avec tous les habitants de la grotte mais je les connaissais pour les avoir déjà croisé par hasard.

Je me plaçai devant Leah, autant pour laisser aux résistants le temps de se faire à l’idée que nous étions deux, que pour qu’ils ne découvrent pas tout de quite que j’étais accompagné d’une âme. Surtout, je me situais entre les deux pour parer toute attaque. Une âme provoquait toujours l’énervement et la haine chez les humains. Il fallait se méfier de tous les comportements possibles. Je ne pus que constater qu’ils étaient tous armés. Un danger de plus à prendre en considération. De toute manière, je n’étais pas étonné. S’ils n’étaient pas venus ainsi, j’aurais été surpris et encore plus méfiant. « Raphaël ! Tu es de retour. » L’un des hommes se détacha et vint me serrer dans ses bras. Je l’avais accueilli quelques mois plus tôt lorsqu’il avait trouvé la grotte par surprise. Il était alors dans un état de déshydratation avancé et ne pensait ne plus jamais revoir une personne vivante. Nous nous étions liés très rapidement d’amitié. J’étais heureux de le voir. En l’enlaçant à mon tour, je le sentis se raidir. Je devinai immédiatement qu’il avait vu les yeux de Leah. « Elle te retient ? Elle t’a forcé à l’emmener ici ? Vous êtes seuls ? » « Calme-toi. Elle est avec moi. On n’a rien à craindre d’elle. » Les autres se rapprochèrent, ils étaient méfiants et tendus. Je reculai d’un pas cherchant à me rapprocher de Leah. Les choses difficiles commençaient. J’essayai de chercher le regard de chacun. Ils devaient me croire, bon sang. J’étais un résistant. Ils me connaissaient, ils savaient de quoi j’étais capable et comment j’étais. « Les gars, sérieusement. »

« Ils lui ont fait un lavage de cerveau. Faut pas l’croire. » « Putain, Gary ! T’es plus con que je pensais. Vous croyez vraiment que je serais venu ici avec une âme si c’était pour vous mettre en danger ? S’il y a bien une chose que je ne ferais pas, c’est justement celle-ci. » « Pourquoi t’es là, alors ? » Il cracha à mes pieds, prenant un air dégoûté. Je le fusillai du regard. Avec son cerveau aussi petit qu’un petit pois, il était incapable de voir que la fille derrière moi était loin d’être méchante. Quel crétin ! Il m’énervait avec ses préjugés. Il y avait une règle tacite entre tous les résistants : mourir plutôt que de donner l’emplacement de la grotte. C’était une obligation que l’on devait accepter pour l’intégrer. Tout le monde la respectait parce qu’on connaissait les dangers. On aimait les gens qui habitaient ici et on était solidaire, voilà pourquoi personne n’avait encore dénoncé la situation géographique. Je serai le premier à me tuer, alors que l’on me croit capable d’un fait pareil était insupportable. Je fermai les poings. S’il le fallait, j’étais prêt à frapper. « Tu vas changer de ton tout de suite ou je t’explose la face. » sifflai-je. J’avais eu tort de promettre à Leah que je pouvais l’emmener ici. Ils étaient incapables de comprendre qu’une âme pouvait être gentille. Ils ne valaient pas la peine. Nous ferions mieux de partir. Loin, très loin d’ici. Nous trouverons bien un endroit où nous réfugier. J’avais honte de ces résistants que j’avais considéré comme des frères. Des frères qui me plantaient un couteau dans le dos.

» LEAH - I'm not a monster.
» Leah - Life is not easy baby

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