Elle avait fait du shopping la veille, avait passé des heures avant de finalement s'endormir à imaginer comment combiner ses nouveaux vêtements. Elle avait même consulté des dizaines de catalogues pour trouver des chaussures qui allaient avec. Aussi, ce matin-là, enfiler son uniforme d'un blanc uni lui arracha une grimace de mécontentement. Se regardant dans le miroir, elle tenta de sourire : « Aller, July, tu sais bien que c'est nécessaire. » La jeune fille lacha un soupir et se détourna de son reflet. Elle consulta son téléphone professionnel et relut pour la dizième fois au moins le message de sa supérieur. Il fallait avouer que July avait du mal avec une chose : l'autorité. Sous prétexte qu'elle avait été insérée dans un corps d'enfant, il lui était bien plus difficile de se faire respecter. Oh, et après tout, cela lui évitait les responsabilités.
Elle attrappa son petit sac à dos aussi blanc que le reste de son habillage, glissa ses petits pieds dans des low boots pailletées à talons hauts – ses parents toléraient cela uniquement dans le cadre de son travail de traqueuse, elle les avait en effet convaincus qu'elle avait ainsi plus de chances de se faire respecter – et franchit le seuil de sa porte. Elle salua rapidement sa mère, plongée dans une lecture quelconque. Son père était apparemment absent. En deux mots, elle indiqua qu'elle avait été affectéede toute urgence à une patrouille, le traqueur habituel étant mal en point. Avant que sa mère ne se mette à la questionner sur l'état de santé de l'âme en question, la blondinette se sauva et grimpa sur sa super moto – encore un avantage à travailler parmi les traqueurs.
Ce qui était moins avantageux, c'était de devoir subir les sermons interminables de ses innombrables supérieurs. Ils y allaient chacun de leur commentaire, lui rappelant combien leur mission était essentielle pour le bien-être de la communauté, blablabla. Les yeux rivés au sol, July hochait la tête régulièrement sans prêter la moindre attention aux mots qui lui étaient adressés. Enfin, elle put enfourcher son deux-roues et s'engager dans les avenues, à toute vitesse, derrière la voiture brillante de son supérieur. Allant à l'encontre des règles, elle avait enfoncé deux écouteurs dans ses oreilles et se trémoussait sur sa moto au rythme de la musique. Elle avait hérité de son hôte ce petit appareil à musique, et n'écoutait que de la musique humaine. Soudain, le grésillement significatif résonna dans ses oreilles. La voix de son supérieur résonna par dessus la musique. Il avait repéré quelque chose, elle devait l'attendre, faire attention à la voiture, et accourir s'il l'appelait. « Oui oui », marmonna-t-elle dans sa barbe, avant de décrire un superbe demi-cercle et de se garer près de la voiture. Le traqueur avait déjà disparu dans le désert interminable. Du reste, July s'en souciait fort peu : elle dansait, un sourire aux lèvres, les yeux mi-clos.
Un bruit sourd, répétitif, la tira de sa semi-transe. Elle ouvrit les yeux pour découvrir que, de l'autre côté de la voiture, un homme grand, brun, fin, s'amusait à tapper dans la voiture de son supérieur. Elle se fichait ouvertement des règles, mais ne désirait tout de même pas se faire virer. Elle aimait trop son boulot pour cela. Aussi éteint-elle immédiatement le mp3 et s'avança-t-elle vers l'intrus. Elle était armée uniquement d'un minuscule pistolet aux fléchettes endormissantes et d'un tube de lacrimo, mais affichait une assurance déconcertante.
Elle observa quelques secondes l'homme avant qu'il ne se rende compte de sa présence. Il avait l'air faible, déshydraté, mal nourri. Il brandissait deux batons comme si cela le rendait dangereux, mais July trouvait qu'il avait davantage l'air d'un épouvantail que d'autre chose. Lorsque ses yeux se posèrent sur elle, hagards, il sembla reprendre totalement ses esprits et brandit ses 'armes' en grondant de vagues menaces. La jeune fille cligna deux ou trois fois des yeux avant de croire tout à fait qu'il était sérieux. Un sourire se dessina sur ses lèvres roses tandis qu'elle ignorait sciemment la petite voix dans sa tête qui lui disait d'appeler son supérieur. Surtout pas.
« C'est pas très gentil de m'appeler microbe, monsieur. » Elle avait une voix d'enfant. Elle fit un pas vers lui, lentement. « Si vous voulez me transpercer pour me faire rôtir comme un cochon – j'ai vu ça dans un des films humains que j'ai vu – je vous préviens, je dois pas être tout à fait comestible. » Elle fit un second pas, souriant toujours. « Pandora n'avait que la peau sur les os, et une musculature fine. Je m'efforce de conserver son corps dans le même état. Donc, voyez, pas beaucoup de chair en perspective. Par contre, une saucisse, ou un bon plat de pâtes... » Ses yeux se firent songeurs tandis qu'elle continuait sans bouger. « Ma mère me fait d'énormes salades de riz, et parfois elle me permet d'avaler des frites. Elles sont croustillantes à souhait, et moelleuses à l'intérieur. Je mets plein de ketchup, de mayonnaise, de moutarde... » Ses yeux brillaient de malice tandis qu'elle reposait son regard sur l'inconnu. « Un bon plat de pâtes gratinées avec du fromage fondu, et des tomates cuites avec des herbes fraiches, un peu d'aïl... » Elle s'approcha encore de l'humain.