Il était 19 heures pile lorsque j’entrepris enfin de fermer la boutique. La journée avait été longue et stressante, bien que les clientes, comme à leur habitude, aient été très agréables. Mon inquiétude résultait de tout autre chose … Lors de ma pause déjeuner, j’en avais profité pour me rendre à la pharmacie du centre-ville. Riley, l’humaine vivant sous mon toit, était récemment tombée malade et elle nécessitait un traitement adapté. La médecine des âmes était on-ne-peut-plus efficace, mais encore fallait-il savoir l’utiliser correctement … Riley m’avait assurée que sa maladie n’était qu’un simple rhume, une grippe tout au plus. A vrai dire, je n’étais pas en mesure de la contredire, tout ceci m’était bien étranger. J’avais toujours eu une santé de fer, et quand bien même j’eus déjà été malade, j’ignorais bien quels mots les humains pouvaient mettre sur le mal en question. A la pharmacie, j’avais prétexté habiter loin et ne pas pouvoir me déplacer facilement. Un petit stock des médicaments les plus utiles et efficaces, voilà ce que j’avais demandé à Mélodie-qui-apaise, une âme fort généreuse et bienveillante. Elle n’avait nullement soupçonné un quelconque mensonge, et c’était très gentiment qu’elle m’avait fourni une petite dizaine de boîtes différentes, dont un sèche-nez, un refroidissant, et un tue-frisson. J’avais tout rangé dans mon sac à dos et j’étais retournée à ma boutique de prêt-à-porter pour accueillir les clientes de l’après-midi.

Le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal ne m’avait pas quitté depuis, et une boule désagréable s’était formée au creux de mon ventre. Je n’avais qu’une hâte : Rentrer chez moi et guérir la mal qui affaiblissait l’être que j’aimais. Après avoir ranger le magasin et remis quelques articles en place, je me dirigeai vers la sortie, mes clefs de voiture à la main. Nul besoin de baisser un quelconque rideau d’acier, ou de verrouiller la caisse … Les âmes ne payent pas, et ne volent pas non plus. Nous avons entièrement confiance en notre espèce et n’utilisons pas les systèmes de sécurité que les humains préconisaient. Moi, je mentais à mes congénères, sans pour autant porter atteinte à leur liberté et leur sécurité … Etais-je donc considérer comme une traitresse ? Je fronçai les sourcils à cette idée, et tentai de me convaincre du contraire tout en déglutissant avec difficulté. Mon sac pendu à une épaule, je franchis la porte avec un peu trop de hâte. L’esprit occupé par mes états d’âme et ma culpabilité, je manquai de rentrer dans quelqu’un. Surprise par cette présence, je sursautai brutalement et étouffai un cri de peur. Mon sac à dos tomba de mon épaule et s’écrasa par terre, la fermeture éclair à moitié ouverte, laissant entrevoir les boîtes très reconnaissables des médicaments. Le cœur s’affolant dans ma poitrine, je m’accroupis avec plus de rapidité que je ne l’aurais voulu … Faire cas de rien n’était pas quelque chose que je parvenais à faire avec aisance … Aussitôt me suis-je rendu compte de mon manque de sérénité, je relevai la tête en direction de l’individu et finis par déclaré, le souffle coupé : « Excusez-moi, je ne vous avais pas vu. »

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